Lettre de Jean-Claude Susini et Nathalie Dolbec
Novembre 2020Cher Michel,
J’ai avalé ton bouquin (Sortie 182 pour Trois-Rivières) en un après-midi, et au-delà. La pseudo-bouillabaisse que j’avais besogneusement concoctée a dû attendre.
En fait, j’ai été piégé, croyant au départ que ces quelque quarante « vignettes » (pour parler vulgaire) m’autorisaient une lecture commodément fragmentée. Eh bien non, comme dans les Kinderszenen du père Schumann, un appel d’air m’entraînait de l’une à l’autre. Un vent de fraîcheur, de colère, ou de « douce folie », au choix. Un régal.
Des échos, à la pelle? Là où ton médecin s’inquiétait de tes « restitutions », le mien voulait savoir si « j’allais du corps ». Les voûtes de Fontfroide, celles de Saint-Guilhem-le-Désert me valent encore et toujours d’étonnants délires « à froid » que j’assume sans surprise ni surtout remords. Je confonds toujours allègrement tel morceau de Haydn et tel autre de Mozart. Pourquoi ? Ignorance peut-être ? ou peut-être sentiment d’une formidable identité (on se trouve toujours des excuses) ?
Des crypto-citations. J’adore : « on est tellement naïf quand on a dix-huit ans ». Et puis ce titre, qui rameute en moi mes « sixties » new-yorkaises : le terrible « Last Exit to Brooklyn » de Hubert Selby Jr. Est-ce pur hasard ?
El le démon de la lecture marathonienne : Jules Romains, France, Zola ? Quand nous pourrons nous rejoindre en Cévennes, tu retrouveras chez nous le vieil Anatole en Œuvres complètes, mais oui, plus de trente volumes, et aussi Fabre l’entomologiste, chantre des plus vulgaires « bibites ». Et un vieux phono avec quelques disques enroués: La Fille du Bédouin, le Comte Obligado, les Gars de la Marine, des valses d’Olivier Métra, etc. Mais aussi, ici même à Windsor, quelques vénérables vinyles : par exemple les symphonies de Mozart dirigées par Pablo Casals, mais oui ! Ou encore les Sardanes composées et interprétées par le même. Etc.