Récits et nouvelles de véritables disparitions, de catastrophes et de merveilles parfois indicibles

Revue, Novembre 2020
Absolument charmeur et prometteur, le sous-titre donne déjà le ton à un texte qui se déroule ensuite comme une belle promesse tenue, et qui évite les pièges pontifiants de l’apologie, ou d’une démonstration qui empile preuves sur preuves, et justifications sur justifications. Voilà ce qui, d’emblée, donne sa saveur au propos : l’esprit de finesse, qui fait parler l’auteur de tant de sujets divers, en trouvant chaque fois le ton et la mesure qu’il faut, et sans jamais sacrifier à l’unité du texte ! « Mémoires d’un homme de qualité », pour reprendre la belle formule de l’abbé Prévost, qui s’adresse aux esprits d’aujourd’hui ; limpidité de l’écriture, dont la sérénité n’est jamais indifférence, car elle fait parfaitement passer engouements et colères, enthousiasmes et déceptions, le narrateur restant tout aussi vif au moment de prendre la plume, qu’il semble l’avoir été dans la gloire intellectuelle de sa jeunesse. Je retiens, entre tant d’expressions heureuses (ces joies de l’écrivain qui deviennent délices de lecture), les « îles et sonatines, avec leur mystique de la pierre ». Pourquoi ? Parce que l’image dépeint le récit comme l’auteur me paraît l’avoir rêvé, puis conçu. Tel, en tout cas, que le présentent ses divers épisodes : petites surfaces qui s’en tiennent à ce qu’il faut d’essentiel pour créer un monde (ou pour le recréer, puisqu’il s’agit ici de souvenirs), moments de brève durée, alternant allegros et lentos, marqués d’évocations qui font renaître, mais combien finement, tout ce que sous-tendent les souvenirs. Et le rappel du passé, qui devient présent, dans les deux sens du mot — puisqu’on est ici en présence d’une fort belle offrande… Un très beau livre, sur le poids et la portée des choses. « Sans rien en lui qui pèse ou qui pose », dirait un Verlaine que l’auteur aurait bien ému.

Denys Gagnon, 26 novembre 2020